Cet article est le premier d’une série sur « ce qui a été dit » du Laboratoire de recherche appliquée avec des réflexions sur le Sommet 2019 du Partenariat pour un gouvernement ouvert.
De quoi a-t-on parlé lors du Sommet du PGO?
Sous toutes ses formes, la technologie était au centre de nombreuses discussions lors du récent Sommet mondial 2019 du Partenariat pour un gouvernement ouvert (PGO) qui s’est tenu à Ottawa. L’ONG, Crude Accountability, nous a par exemple montré comment traduire les connaissances quotidiennes en données pour soutenir l’activisme communautaire. Nous avons entendu parler de l’Évaluation d’impact algorithmique du gouvernement du Canada qui aide à évaluer et atténuer les risques associés à la prise de décision automatisée. Nous avons aussi écouté un groupe de discussion alors qu’il tentait de répondre à la question suivante: “Dans quelle mesure le gouvernement est-il prêt pour l’intelligence artificielle?”.
Si l’on se fie aux conversations qui ont eu lieu lors du Sommet du PGO, les infrastructures et les technologies numériques comme celles qui ont été mentionnées ci-dessus ont une incidence sur les priorités et l’orientation futures d’un gouvernement ouvert.
Les questions de littéracie sont revenues de façon constante dans bon nombre de ces conversations. L’objectif de l’anticonférence d’une journée, Mettre les données au service d’un gouvernement ouvert, était de souligner l’importance d’améliorer la littéracie des données dans divers contextes et de favoriser l’accessibilité des données pour ceux et celles qui n’ont pas reçu une éducation formelle appropriée. Nous avons entendu parler des efforts du Caribbean Open Institute pour renforcer les capacités numériques des jeunes Haïtiennes qui essayent d’entrer sur le marché du travail. Pendant la session Favoriser un espace numérique démocratique, la littéracie médiatique était au centre des discussions sur la désinformation dans les espaces en ligne, comme les médias sociaux.
Au fur et à mesure que le gouvernement adoptera davantage de solutions technologiques, les efforts visant à promouvoir la littéracie médiatique, numérique et des données constitueront un élément important de son ouverture.
Dans quels domaines la littéracie devient-elle importante?
Avant de parler des découvertes et des résultats marquants issus de ces conversations, j’aimerais commencer par présenter certains types de littéracie et leur signification. Traditionnellement, la littéracie est une question de compréhension et de pensée critique. Au-delà du simple apprentissage de la lecture, la littéracie (ou l’alphabétisation) englobe également la capacité de comprendre, de poser des questions et de présenter des arguments fondés sur des documents écrits (Combes, 2010). Tout au long du Sommet du PGO, les types suivants de littéracie ont été mentionnés.
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Littéracie médiatique: La littéracie médiatique ne se limite pas à la capacité d’interagir avec différents types de médias. Selon MediaSmarts, le centre pour la littéracie numérique et médiatique du Canada, la littéracie médiatique comprend les compétences liées à l’accès, à l’analyse, à l’évaluation et à la production des médias (MediaSmarts, 2017). Elle suppose aussi que les acteurs comprennent comment les médias transmettent des messages sociaux et politiques qui peuvent être interprétés différemment par différents publics (ibid.).
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Digital literacy
: La littéracie numérique s’appuie sur la littéracie médiatique et repose, selon MadiaSmart, sur trois domaines de compétences (MediaSmarts, 2019).
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Utilisation : traite des capacités techniques requises pour interagir avec les ordinateurs et Internet.
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Compréhension : comprend les compétences requises pour développer une pensée critique sur les médias numériques de manière à prendre des décisions plus éclairées sur la vie en ligne.
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Création : traite de la capacité de générer du contenu et de communiquer à l’aide d’outils numériques.
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Littéracie des données
: Enfin, la littéracie des données fait référence à la capacité de lire, de travailler avec les données, de les analyser et de les réfuter (Bhargava et D’Ignazio, 2015). Elle a été décrite comme une compétence essentielle dans l’économie du savoir actuelle, car les processus axés sur les données sont intégrés à de nombreux secteurs et disciplines (Risdale et coll., 2015).
Pourquoi toutes ces formes de littéracie sont-elles si importantes pour un gouvernement ouvert ?
Ces diverses formes de littéracie jouent un rôle important dans l’ouverture et la responsabilisation du gouvernement. Un gouvernement ouvert doit communiquer clairement avec le public au sujet de ses processus décisionnels et de ses résultats. Le public, à son tour, doit pouvoir examiner d’un œil critique cette prise de décision et exiger du gouvernement qu’il rende compte des résultats. Si nous supposons que nos administrations se tourneront de plus en plus vers des solutions numériques ou d’autres axées sur les données (nous aurons besoin d’un autre blogue, ou peut-être d’un livre, pour débattre du pour et du contre de cette approche), alors le gouvernement et le public pourraient avoir de plus en plus de difficultés à remplir leurs responsabilités. La transparence du gouvernement dépend à la fois de la capacité des politiciens, politiciennes et des fonctionnaires d’expliquer clairement le fonctionnement de la technologie qu’ils utilisent, et de la capacité des citoyens et citoyennes à s’engager avec ces technologies et à examiner de façon critique leurs impacts. Pour accomplir ces tâches, le gouvernement et la société civile doivent avec le bon niveau de compétences dans les domaines des médias, du numérique et de la maîtrise des données.
Les questions relatives à la littéracie sont liées à l’un des thèmes clés de ce Sommet : l’inclusion. Sans des efforts accrus pour promouvoir la littéracie médiatique, numérique et des données dans l’ensemble de la population, l’utilisation de la technologie par un gouvernement ne s’applique et ne profite alors qu’aux personnes bien instruites qui occupent des postes privilégiés. Tous les citoyens et citoyennes devraient être en mesure de comprendre ce que fait leur gouvernement, et non seulement ceux qui sont « natifs numériques » ou qui ont un diplôme en informatique.
Prenons, par exemple, le monde effrayant du maintien de l’ordre prédictif. Imaginez qu’une administration municipale mette en œuvre un algorithme pour le maintien de l’ordre prédictif qui tient compte de diverses sources de données et qui produit les probabilités de crimes futurs dans les quartiers. Pour évaluer et corriger les biais potentiels de ce système, il est primordial que les fonctionnaires comprennent comment les différentes entrées de données sont combinées et pondérées pour générer ces probabilités. Quels renseignements un ensemble de données sur les crimes passés contient-il ? Et comment cette information peut-elle influer disproportionnellement le maintien de l’ordre de certains groupes démographiques ? L’algorithme utilisé dans le maintien de l’ordre préventif à Los Angeles, par exemple, a été fortement critiqué pour avoir exacerbé les préjugés raciaux parce que les données utilisées font état d’un plus grand nombre d’arrestations des personnes de couleur pour les mêmes crimes que ceux commis par les blancs. Les personnes contrôlées par les services de police devraient pourvoir comprendre les fondements sur lesquels reposent cette décision et comment en faire appel.
Les questions suivantes illustrent d’autres cas où les littéracies médiatique, numérique et des données sont importantes pour l’ouverture du gouvernement :
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Comment les citoyens et citoyennes peuvent-ils vraiment s’engager les uns avec les autres par le biais de plateformes de discussion en ligne pour donner des commentaires au gouvernement sur les questions de politiques ?
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Comment les politiciens, politiciennes et les fonctionnaires peuvent-ils communiquer clairement avec les citoyens et citoyennes sur l’utilisation des données dans le processus décisionnel gouvernemental ?
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Comment les citoyens et citoyennes peuvent-ils se renseigner sur des questions politiques clés et identifier correctement les tentatives de désinformation ?
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Comment les fonctionnaires peuvent-ils collaborer avec les fournisseurs du secteur privé pour acquérir des outils d’intelligence artificielle qui sont appropriés et impartiaux pour le cas d’utilisation concerné ?
En outre, la littéracie des données est souvent évoquée dans les conversations sur les données ouvertes. C’est notamment le cas d’étudiants du Chili et du Mexique qui, à la suite de leur participation à l’Open Data International Rally, ont souligné la nécessité de « rendre les données conviviales » pour qu’elles puissent être utilisées par tout le monde, et non seulement les spécialistes. Les données ouvertes sont à la base de nombreuses initiatives du gouvernement pour améliorer sa transparence. Elles devraient donc s’accompagner d’efforts de littéracie des données pour que les citoyens et citoyennes puissent utiliser les données et les comprendre.
Planifier l’avenir
Nous devons favoriser la littéracie des données sous toutes ses formes, tant au sein du gouvernement que dans le public. Nous pouvons tirer profit du précieux travail des éducateurs et éducatrices en adaptant les approches pédagogiques existantes à des contextes tels que les institutions gouvernementales ou les organisations de la société civile. Nous pouvons bénéficier de l’expérience de ceux et celles qui travaillent dans les secteurs des médias et de la technologie en puisant dans leurs expériences et en rendant leurs connaissances accessibles à un public plus large. Pour aller de l’avant, nous devons réfléchir aux compétences de base nécessaires que les acteurs devront acquérir pour améliorer leur littéracie médiatique, numérique et des données. Est-ce qu’un élève de 5e année devrait apprendre à détecter le contenu généré par les bots en ligne ? Les analystes des politiques gouvernementales devraient-ils apprendre à analyser les commentaires qualitatifs des citoyens et citoyennes à l’aide de programme ?
À Nord Ouvert, le travail réalisé sur la littéracie des données (voir un exemple ici) nous a menés à consulter de très bonnes ressources sur le sujet. C’est pourquoi nous avons créé la liste suivante, qui comprend les sources citées en référence dans le présent article et d’autres qui, nous l’espérons, vous seront utiles.
Source:
Bhargava, R. et D’Ignazio, C. (2015). « Designing tools and activities for data literacy learners », dans Workshop on Data Literacy, Webscience. En ligne https://pdfs.semanticscholar.org/1215/7fe54d862929e301f7fdb2c6233c1ae4502a.pdf
Combes, B. (2010). How much do traditional literacy skills count? Literacy in the 21st century & reading from the screen. En ligne http://www.slideshare.net/IASLonline/literacy-skills-challenged
MediaSmarts (19 janvier 2017). « Media Literacy Fundamentals. » En ligne http://mediasmarts.ca/digital-media-literacy/general-information/digital-media-literacy-fundamentals/media-literacy-fundamentals
MediaSmarts (20 février 2019). « Digital Literacy Fundamentals. » En ligne http://mediasmarts.ca/digital-media-literacy/general-information/digital-media-literacy-fundamentals/digital-literacy-fundamentals
Prado, J. C. et Marzal, M. Á. (2013). « Incorporating data literacy into information literacy programs: Core competencies and contents », Libri, 63 : 2, p. 123-134. En ligne https://e-archivo.uc3m.es/bitstream/handle/10016/27173/incorporating_calzada_LIBRI_2013.pdf
Ridsdale et coll. (2015). « Strategies and best practices for data literacy education: Knowledge synthesis report. » En ligne https://dalspace.library.dal.ca/bitstream/handle/10222/64578/Strategies%20and%20Best%20Practices%20for%20Data%20Literacy%20Education.pdf?sequence=1
Shields, M. (2005). « Information literacy, statistical literacy, data literacy, » IASSIST quarterly, 28 : 2-3, p. 6-6. En ligne : https://iassistquarterly.com/pdfs/iqvol282_3shields.pdf