Discussions ouvertes sur les données ouvertes à la Ville de Montréal

2019-04-29-focus-groups

À l’automne 2018, le Laboratoire de recherche appliquée de NordOuvert a travaillé avec le Laboratoire d’innovation urbaine de Montréal (LIUM) pour rédiger l’ébauche du premier Plan d’action données ouvertes de la Ville de Montréal. Le Plan répond au besoin de rendre les données ouvertes plus accessibles et réutilisables à un grand public. Le Plan a été également conçu pour refléter les réalités et les besoins des employés de la Ville, leurs équipes et leurs services dans leurs rôles de publieurs et d’utilisateurs de données ouvertes. Afin de comprendre les expériences quotidiennes des employés lors de leur utilisation de données ouvertes, ainsi que les processus liés à la publication de données, NordOuvert et le LIUM ont organisé et animé des groupes de discussions avec des employés de la Ville.

Les groupes de discussions sont souvent associés à des sociétés de marketing, car il s’agit d’un moyen de collecter des informations sur les comportements et les valeurs des clientèles cibles. Cependant, les groupes de discussion sont une méthode de recherche qui peut être utilisée dans plusieurs contextes pour capturer les points de vue d’un groupe de personnes sur un sujet donné. Dans ce billet de blogue, nous discutons des groupes de discussion. Nous répondons aux questions suivantes: Que sont les groupes de discussions ? Dans quelles circonstances sont-ils utiles en tant que méthode de recherche ? En se basant sur notre expérience en menant des groupes de discussions à la Ville de Montréal, nous présentons quelques considérations pour le design, l’animation et l’analyse des groupes de discussion.

Que sont les groupes de discussion?

Les groupes de discussion sont une méthode de recherche qualitative qui peut fournir aux chercheurs des informations détaillées sur un sujet donné, en rassemblant des individus pour discuter de ce sujet. En général, un groupe de discussion réunit des individus qui partagent une expérience commune et demande aux participants de partager leurs pensées et leurs expériences avec le groupe (Carey 2015). Bien que le nombre recommandé de participants varie, certains chercheurs ont suggéré que le nombre idéal se situe entre six et dix participants (Rabiee 2004; Krueger & Casey 2009).

Les groupes de discussion peuvent fournir aux chercheurs une compréhension détaillée sur leurs questions de recherche, pourtant ces derniers ne peuvent pas remplacer la collecte et l’analyse de données statistiques. Cela est dû aux problèmes d’échantillonnage qui se posent dans la composition des groupes de discussion. Essentiellement, l’opinion d’un petit nombre de personnes sélectionnées pour participer au groupe ne devrait pas être généralisée pour représenter les croyances de toute la population (Morgan 1998).

Les chercheurs ont donc un intérêt à se servir des groupes de discussion dans les cas où ils souhaitent examiner en profondeur les comportements humains et non pas lorsqu’ils voudraient collecter un échantillon représentatif de la population. Pour ouvrir les conversations en groupe, les chercheurs peuvent demander aux participants de partager leurs réflexions générales sur un sujet, ce qui révélera un ensemble initial de croyances et de valeurs de chaque participant. Ensuite, à mesure que la conversation se déroule, les participants vont réfléchir à la manière dont leurs propres expériences se rapportent aux autres, ce qui peut faire apparaître des contrastes, des curiosités et des sentiments dont les participants n’étaient peut-être pas conscients auparavant. Tirer des informations de ce réseau d’interactions sociales est l’une des caractéristiques distinctes de la méthodologie des groupes de discussion. Celle-ci offre aux chercheurs une profondeur de compréhension qui n’aurait pas pu être capturée à travers une enquête ou un entretien individuel (Morgan 1998; Rabiee 2004).

Il est également important de considérer dans quelles situations les groupes de discussion sont moins utiles. Les groupes de discussion devraient avoir pour objectif de générer une conversation ouverte, où chaque personne peut sentir que ses contributions seront respectées par le reste du groupe (Rabiee 2004). Par conséquent, les groupes de discussion ne doivent pas être utilisés lorsque les participants ne sont pas familiers ou ne sont pas à l’aise avec le sujet à traiter.

Dans les prochains paragraphes, nous présentons des meilleures pratiques pour la conception de groupes de discussion, afin de garantir la validité des résultats à toutes les étapes de la conception, de la planification jusqu’à l’analyse.

Segmenter les participants

Avant même que le groupe de discussion ne commence, les chercheurs doivent décider qui sera invité et comment les participants seront segmentés en groupes. Pour promouvoir un environnement dans lequel les participants se sentent les bienvenus, il est souvent recommandé de créer des groupes de discussion homogènes. L’une des façons de le faire est de regrouper des participants provenant de même origine socio-économique ou de rassembler des participants qui détiennent le même niveau d’expérience sur le sujet à traiter (Hennick 2014). Une autre approche consiste à segmenter les groupes de discussion par le genre et l’âge (Rabiee 2004; Hennick 2014).

Quelle que soit la méthodologie choisie, il est important de se rappeler que la sélection du groupe aura une incidence sur le contenu de la conversation, la dynamique du groupe et l’analyse finale. Par exemple, si le chercheur choisit de regrouper des participants qui se connaissent déjà, les participants seront plus à l’aise en partageant leurs sentiments. Cela pourrait également avoir l’effet inverse: si les participants se connaissent déjà, ils pourraient fournir moins de détails dans leurs réponses (Hennick 2014).

Nous avons tenu compte de ces considérations lors de la segmentation des groupes de discussion de la Ville de Montréal. Lors de la segmentation de chaque groupe, nous avons fait en sorte que les participants proviennent de différentes équipes et de différents départements. Cela a créé une dynamique de groupe intéressante, car même si les participants venaient des milieux différents, ils partageaient des expériences communes dans leurs rôles comme publieur ou utilisateur de données ouvertes.

Animer les discussions

Pour faire en sorte que les participants se sentent à l’aise pour partager leurs expériences et leurs sentiments, il est important que le chercheur génère un environnement ouvert et maintienne une discussion fluide avec le groupe. Dans ces conditions, les chercheurs peuvent tirer des informations précieuses des participants. Cependant, le modérateur doit savoir comment encadrer la conversation, pour qu’elle reste centrée sur le sujet, tout en respectant les limites de temps. Pour mettre en oeuvre toutes ces dimensions, il vous faudra un modérateur formé. Idéalement, le modérateur est neutre, c’est-à-dire qu’il veille activement à ce que chaque participant sente que sa contribution est valorisée de manière égale (Hennick 2014).

Que vous soyez un modérateur novice ou expérimenté, certaines techniques peuvent vous aider à structurer et animer les discussions de groupe. Dans un premier temps, il est important de faire connaître aux groupes les attentes de la séance. Pour en faire, le modérateur pourra présenter au groupe des lignes directrices avant de débuter les conversations. Par exemple, avant de commencer les discussions de groupe avec les employés de la Ville, nous avons demandé aux participants de ne pas parler en même temps et d’adresser leurs réponses au modérateur. Cela a établi un ton respectueux pour la conversation et a permis au modérateur d’intervenir plus facilement si une personne prenait la parole alors que ce n’était pas son tour. Une autre pratique facile et efficace est de désigner un chronométreur qui sera responsable d’indiquer au modérateur le moment où il doit passer à la question suivante. Enfin, pour assurer une participation équilibrée de chaque participant à chaque question, nous avons attribué à chaque participant un numéro de répondant (p.ex: répondant 1, répondant 2, etc.), ce qui a permis au modérateur de faire en sorte que chaque participant soit invité à contribuer à la question.

Collecter et structurer les données

Il est essentiel d’enregistrer les discussions de groupe afin de permettre au chercheur de collecter et d’analyser de manière exhaustive les informations issues des discussions. Ce processus de collecte de données devrait se fonder sur des méthodes rigoureuses et systématiques afin de générer une transcription complète et annotée, qui peut ensuite être organisée en thématiques et analysée. Bien que la technologie de reconnaissance vocale est disponible pour générer des transcriptions, elle doit être utilisée avec prudence. Par exemple, la capacité de ces logiciels à détecter du langage familier n’est pas garantie.

C’est pourquoi nous avons choisi de transcrire manuellement les enregistrements que nous avons collectés. Cela demande un temps considérable, surtout en tenant compte du temps qu’il prend de décortiquer de manière efficace les différences entre le langage parlé et écrit. Nous avons également fait face à des difficultés concernant l’épellation du langage parlé, la structure des phrases et les cas où deux répondants parlaient en même temps. Bien qu’il puisse y avoir différentes manières de traiter ces enjeux, il est important d’appliquer les mêmes principes tout au long de la transcription et de documenter le processus. De cette façon, toute question potentielle qui se pose au cours des étapes ultérieures peut être retracée et correctement identifiée.

Ajoutez vos commentaires au Plan d’action données ouvertes

NordOuvert a eu l’occasion de mener des groupes discussions avec les employées de la Ville, qui ont directement contribué au Plan d’action données ouvertes. Cela nous a permis de mieux façonner une méthodologie de groupes de discussion, dans le but de capturer les réactions individuelles et collectives sur des sujets complexes, tels que l’utilisation et la publication de données ouvertes. Nous sommes très reconnaissants de cette occasion de travailler en étroite collaboration avec le Laboratoire d’innovation urbaine de Montréal.

Dans ce qui précède, nous avons souligné que les groupes de discussion doivent être planifiés et conçus avec soin, afin de générer des discussions ouvertes et de recueillir une variété de points de vue. Une attention particulière doit être portée à la segmentation des groupes, à l’animation de la conversation et à la transcription des enregistrements (en établissant une méthodologie systématique) afin de générer des résultats qui sont fiables et valides.

Enfin, notez que la Ville de Montréal aimeriez vous entendre sur le Plan d’action données ouvertes. L’ébauche du Plan d’action peut être consultée et commentée par le public jusqu’au 15 mai 2019. Nous vous encourageons vivement à apporter votre contribution! Ajoutez vos commentaires ici: http://bit.ly/MTL_DO_plan

Veuillez noter: NordOuvert a récemment reçu une subvention de la part de la fondation J.W. McConnell de son Fonds d’innovation sociale pour développer le Laboratoire de recherche appliquée. Une partie de ce travail comprend la mobilisation des connaissances et la réflexion sur les problèmes méthodologiques auxquels d’autres organisations du secteur à but non lucratif peuvent faire face. Cette publication représente certaines de nos réflexions en cours pour avancer vers cet objectif.

Oeuvrages cités:

Carey (2015). Focus Groups. International Encyclopedia of the Social & Behavioural Sciences, 2nd edition, 9, 274-279. http://dx.doi.org/10.1016/B978-0-08-097086-8.10543-4

Rabiee, F. (2004). Focus-group interview and data analysis. The Proceedings of the Nutrition Society, 63(4), 655-60.

Hennink, M. (2014). Focus group discussions (Understanding qualitative research). New York, NY: Oxford University Press. (2014).

Krueger, R., & Casey, M. (2009). Focus groups : A practical guide for applied research (4th ed.). Los Angeles: SAGE.

Morgan, D. (1997). The focus group guidebook (Focus group kit). Thousand Oaks: SAGE Publications.