La fête de la Saint-Jean-Baptiste marque le deuxième anniversaire du passage à la semaine de travail de quatre jours chez Nord Ouvert. Cette transition s’est opérée à la suite de plusieurs années de changements remarquables au sein des lieux de travail du monde entier. En 2021, Nord Ouvert a réagi à la pandémie de COVID-19 en passant à un mode de travail entièrement à distance, comme beaucoup d’autres organisations similaires. Cela s’est traduit par la délocalisation de nombreux employés en dehors de Montréal, où nous sommes basés, et par l’embauche de nouveaux employés sans obligation de relocalisation à Montréal, ou dans une autre ville coûteuse. Alors que nous prenions des mesures pour institutionnaliser notre environnement de travail à distance, nous avons proposé à notre personnel la possibilité d’utiliser des espaces de travail collaboratif (coworking) proches d’eux en l’absence d’un bureau central. Nous nous sommes attachés à créer un environnement de travail à distance qui soit positif et solidaire, et à favoriser les interactions en face-à-face aux moments opportuns, en particulier pour les nouveaux arrivants dans notre équipe. Notre expérience nous a enseigné que le défi ne réside pas dans l’exécution du travail à distance, mais plutôt dans le fait de s’assurer que les individus se sentent liés les uns aux autres et à la mission de Nord Ouvert.
Alors que de nombreuses organisations, notamment le gouvernement fédéral, exigent que le personnel revienne au bureau dans un cadre hybride ou entièrement en personne, Nord Ouvert s’est engagé à rester un lieu de travail à distance. Nos employés sont disséminés à travers le monde entier, et certains travaillent depuis plusieurs endroits différents tout au long de l’année. Notre succès en tant qu’organisation entièrement à distance nous a permis d’envisager d’autres stratégies pour l’efficacité organisationnelle et le bien-être des employés.
À l’été 2022, Nord Ouvert s’est lancé dans une expérience audacieuse pour l’écosystème des organisations à but non lucratif : la transition vers une semaine de travail de quatre jours. Ce changement a commencé par un programme pilote pour les mois de juillet et d’août, qui a ensuite été prolongé jusqu’à la fin de l’année. À la suite d’un bilan avec nos employés et partenaires, nous avons officialisé la semaine de travail de quatre jours dans notre politique interne en novembre 2022. Bien qu’il existe un grand nombre de recherches à l’échelle mondiale sur les avantages de la semaine de travail de quatre jours, il n’y avait pas beaucoup d’expériences canadiennes sur lesquelles s’appuyer. Nous ne connaissions qu’un seul autre organisme à but non lucratif qui avait tenté d’instaurer une semaine de travail de quatre jours au Canada, LeadNow. Récemment, nous avons été ravis de lire un communiqué de presse d’une autre organisation canadienne, la Société pour la nature et les parcs du Canada – Colombie-Britannique (SNAP-CB), qui a lancé un projet pilote.
Selon notre interprétation de la semaine de travail de quatre jours, nos employés travaillent à 80 %, mais sont rémunérés à 100 % et sont responsables de 100 % de leurs projets. La recherche soutient l’efficacité de ce modèle et notre politique reflète les enseignements tirés d’une étude à long terme sur la semaine de travail de quatre jours au Canada et aux États-Unis, qui a démontré une augmentation de la productivité et de la satisfaction au travail parmi les participants. Chez Nord Ouvert, la semaine de travail a été condensée du lundi au jeudi, le vendredi étant réservé à des tâches ponctuelles et seulement en cas d’absolue nécessité. Pour Nord Ouvert, le fait de travailler selon le même horaire constituait la meilleure option, mais d’autres organisations choisissent d’adopter un horaire décalé pour leurs employés de manière à assurer cinq jours de permanence. Afin de respecter le jour de repos additionnel de nos collègues, les collaborateurs ont pour instruction de ne pas envoyer de courriels ou de messages Slack nécessitant une réponse immédiate le vendredi, s’ils choisissent de travailler. Les fonctions d’envoi programmé sont devenues nos alliées. Si les employés sont amenés à travailler systématiquement le vendredi, nous considérons cette situation comme une défaillance de gestion, qu’elle soit directe ou organisationnelle.
La motivation qui nous a poussé à passer à la semaine de quatre jours découle des valeurs de Nord Ouvert, en particulier de l’importance que nous accordons à l’entraide, définie comme suit :
Le personnel et les partenaires de Nord Ouvert sont des professionnels hautement qualifiés dont les origines, les ambitions et les modes de vie sont variés. Le travail n’est qu’un élément de la personnalité de chaque membre de notre équipe. Même si nous créons un environnement où nous pouvons rire ensemble et nous entraider mutuellement, nous reconnaissons que le travail a pour but de soutenir nos vies dans leur ensemble et que les membres de notre équipe méritent que l’on respecte leurs limites et leurs objectifs personnels. La mise en place d’une culture de soutien qui concilie opportunités stimulantes et attentes réalistes est une démarche active et dynamique qui requiert la mobilisation de l’ensemble du personnel.
Nord Ouvert a toujours donné la priorité à un équilibre sain entre vie professionnelle et vie privée, mais en tant que petite organisation à but non lucratif avec des limitations budgétaires, nous trouvons qu’il est difficile de prendre des mesures concrètes. Nous nous sommes efforcés d’établir une culture qui permet une certaine flexibilité pour les engagements personnels et familiaux, et l’ajout d’un jour supplémentaire à la fin de semaine facilite les choses. En plus des jours de vacances auxquels les employés ont droit, nous leur offrons dix jours de congé pour raisons personnelles par an, qui ne nécessitent aucune explication ou approbation. L’un des effets intéressants de la semaine de travail de quatre jours est que nos vacances et nos jours de congé personnel durent plus longtemps.
L’un des aspects importants de cette transition était son impact potentiel sur les partenaires. Étant donné que notre projet pilote a débuté pendant l’été et que de nombreux partenaires avaient alors réduit leurs horaires, l’impact sur ceux-ci n’est apparu qu’au début de l’automne. Nous avons dû apprendre à gérer certains conflits temporels : Notre semaine de travail de quatre jours a une incidence à la fois sur les réunions collectives et sur les échéances. En interne, les livrables tels que les propositions ou les rapports, qui devaient précédemment être remis le vendredi, sont désormais alignés sur la date limite du jeudi.
À la fin du projet pilote, nous avons mené une enquête auprès du personnel pour déterminer l’impact de la transition sur leur vie professionnelle et privée. Pour les employés en poste, le message était limpide : la transition est irréversible.
À propos de l’impact sur son bien-être général, un membre du personnel a déclaré : « Cette expérience a été extrêmement utile et a amélioré de manière remarquable ma qualité de vie et celle de ma famille. Beaucoup d’entre nous ont des responsabilités familiales ou de gardiennage, et le fait de pouvoir disposer d’un jour supplémentaire pour s’occuper de différentes responsabilités en dehors du travail a été vraiment bénéfique. »
De même, un autre employé a déclaré : « Dans l’ensemble, cela a été bénéfique pour mon bien-être. Un jour de plus fait toute la différence, car je peux consacrer une journée à des tâches personnelles et disposer de deux jours entiers pour me reposer et m’adonner à mes passions. »
La clé de la productivité de notre personnel est la façon dont celui-ci gère son énergie et son temps. Un membre du personnel témoigne : « D’une manière générale, cette transition a augmenté ma productivité. D’habitude, j’ai souvent une baisse de motivation le jeudi, mais avec le rythme de travail sur quatre jours, je sais que mon vendredi est libre et je termine donc mon travail le jeudi avec plus d’enthousiasme. » Dans le même ordre d’idée, on peut citer : « Je fais très attention à la manière dont j’utilise mon temps. Cela me permet de mieux hiérarchiser les tâches et de communiquer avec mon responsable lorsque j’ai des doutes sur la meilleure façon de répartir mon temps sur les quatre jours. »
Combinée à un environnement de travail à distance, la semaine de quatre jours a ouvert la voie à l’embauche de talents qui n’auraient pas été accessibles autrement. Comme beaucoup d’organisations à but non lucratif, Nord Ouvert a toujours été confronté à la difficulté de recruter du personnel possédant le niveau de connaissances et d’expérience requis. Nous sommes souvent en concurrence avec le secteur public pour les talents et nous n’avons pas le budget nécessaire pour rivaliser uniquement sur le plan salarial. Alors que le monde tente de trouver son équilibre après l’émergence de la pandémie de COVID-19, Nord Ouvert voit des opportunités dans la semaine de travail à distance de quatre jours pour s’assurer que nous pouvons recruter des perspectives diverses, créer un environnement inclusif, répondre à des besoins variés et établir une norme pour l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée.
La clé de notre succès consiste à évaluer la manière dont nous utilisons notre temps et à réduire les engagements qui empiètent sur le temps de travail direct. Parmi les changements pratiques, citons la réduction des réunions récurrentes, le passage à des réunions bihebdomadaires de l’ensemble du personnel et l’encouragement du travail asynchrone via Slack. Les enseignements que nous avons tirés ont mis en évidence l’importance d’une révision et d’une itération constante de ce programme. Nous n’avons pas encore perfectionné le nouveau modèle ; il ne fonctionne pas aussi bien pour tous les membres du personnel. En revanche, il semble être perturbateur, dans le meilleur sens du terme, et stimulant. Le passage à la semaine de quatre jours chez Nord Ouvert est une étape concrète dans la mise en œuvre de nos valeurs. Nous démontrons notre engagement en faveur du bien-être, de la productivité et de l’adaptabilité des employés face à l’évolution des paradigmes de travail, en nous appuyant sur des preuves empiriques issues d’études mondiales.