Comment éviter de faire les manchettes pour les mauvaises raisons

Approvisionnement ouvert et éthique avec les fournisseurs privés

Bien que les lois et les pratiques d’approvisionnement public varient fortement entre les villes canadiennes, il y a certaines pratiques à suivre qui méritent l’attention de toutes les municipalités lorsqu’elles doivent interagir avec des fournisseurs. Nord Ouvert s’intéresse à la question depuis quelques années et nous vous livrons ici en quelques lignes certaines d’entre elles.

Équité entre les fournisseurs

Le principe cardinal à respecter en matière d’approvisionnements publics est de donner la chance à tous les fournisseurs de pouvoir déposer les offres conformes sur les marchés publics. Ne pas le faire, c’est-à-dire cibler directement (nommément) ou indirectement (à travers des critères de sélection ciblant un fournisseur) est considéré comme un comportement non éthique allant à l’encontre de ce principe et, dans plusieurs provinces, potentiellement illégal. Cela signifie aussi que l’on ne doit pas exclure une industrie (par exemple celle du libre) des marchés publics.

Des actions concrètes

En pratique, mettre en œuvre ce qui précède est plus complexe qu’il n’y paraît. Pour vous aider à y voir plus clair, nous avons compilé une liste d’actions simples et concrètes à prendre qui rendront vos pratiques d’approvisionnement plus équitables :

1. Rencontres avec les fournisseurs

  • Seuls un petit nombre de fonctionnaires devraient être autorisés à discuter avec ou rencontrer des fournisseurs actuels ou potentiels. Dans le cas des technologies de l’information, il devrait s’agir de fonctionnaires spécialisés en approvisionnement et d’architectes en technologies de l’information;
  • Toute demande de rencontre par un fournisseur en technologies de l’information (y compris auprès des élus) devrait être acheminée au dirigeant principal de l’information.
  • Toute rencontre ou échange, électronique ou non, entre un fournisseur en technologies de l’information et la ville devrait être documentée et idéalement publiée sur la plateforme de données ouvertes de la Ville.
  • N’acceptez ou ne demandez jamais à un fournisseur de faire une démonstration de ses produits. Ce type d’échange doit être encadré par un processus d’appel d’offres car il peut placer la ville dans une situation de conflit d’intérêt.

2. Rédaction d’appels d’offres

  • Avant de décider de s’approvisionner, encore faut-il correctement définir le problème à résoudre. Donc, il importe toujours de préciser le problème que l’on veut résoudre et sa portée (qui il concerne);
  • Une fois que l’on a défini le problème et que l’on sait que la technologie peut aider à le résoudre, nous vous recommandons de procéder à des analyses de marché neutres (c.-à-d. qui comparent les solutions entre elles au moyen de fonctionnalités et de normes internationales), assorties d’analyses de coût total de possession qui vous permettront de mieux estimer les coûts des diverses solutions disponibles.
  • La contribution de fournisseurs à la préparation d’appels d’offres publics est une pratique non éthique (elle donne un avantage concurrentiel à un fournisseur) et, dans certaines provinces, potentiellement illégale.

Lorsqu’un fournisseur a participé de quelque manière que ce soit à une activité ou documentation qui lui donne un avantage sur un projet connexe, le donneur d’ordre devrait annoncer dans la publication de l’AO ou par addenda de façon explicite que tel fournisseur ou telles personnes ne peuvent pas participer au processus de soumission.

  • Comme les villes sont des organismes publics assujetties à des règles de transparence en matière d’approvisionnement publics, elles devraient refuser de signer des ententes de non-divulgation avec des fournisseurs.
  • Qu’il s’agisse d’approvisionnement public sous forme d’appel d’offres publics ou d’acquisitions ne nécessitant pas un appel d’offres, il faut toujours chercher à maximiser le nombre de soumissionnaires conformes aux devis, de façon à assurer l’équité, favoriser la compétition et réduire les coûts et risques.

3. La transparence : un outil de contrôle puissant

Les lois aidant les villes canadiennes à lutter contre la corruption et la collusion dans les marchés publics varient énormément d’une province à l’autre, les plus exhaustives ayant été adoptées au Québec. À cela s’ajoute la création, dans certaines villes, de bureaux d’inspecteurs généraux [1] ayant le pouvoir d’annuler des contrats municipaux suspects.

En termes de contrats publics, la première mesure de contrôle efficace est la publication, sous forme de données ouvertes, des données sur les appels d’offres et les contrats publics [2], auxquels devraient s’ajouter, au minimum les renseignements suivants :

  • la performance de l’exécution des contrats accordés;
  • les prix unitaires des biens;
  • les analyses de risques;
  • l’évolution des dépenses liées à chaque contrat.

Les villes devraient aussi considérer l’inclusion de clauses anti-corruption [3] de base, ainsi que de clauses sur les conflits d’intérêt dans leurs appels d’offres.

Pour conclure 

Il reste encore beaucoup de chemin à faire par les villes canadiennes pour maximiser l’éthique de leurs relations avec les fournisseurs et leur transparence en matière d’approvisionnement public. En effet, certaines clauses contractuelles essentielles telles que le lieu d’hébergement des données, la primauté du droit local, ou encore la propriété du code développé par un fournisseur, ne sont pas encore incluses uniformément dans les appels d’offres publics. C’est pourquoi Nord Ouvert a produit un guide de bonnes pratiques pour soutenir les villes dans leurs pratiques d’approvisionnement. C’est un document évolutif qui changera constamment au fil du temps et des contributions du réseau de Nord Ouvert.


  1. Voir par exemple le site du Bureau de l’inspecteur général de la Ville de Montréal.
  2. Pour l’instant, la Ville de Montréal est la seule ville canadienne (à notre connaissance) à publier ses contrats publics.
  3. Comme par exemple celles de l’International Chamber of Commerce.